RolePlay : Kingu.
Chapitre I : La renaissance.
Les étoiles brillaient ce soir-là, parsemant l'univers de mille feux scintillants... Quel soir d'ailleurs ? Ç'aurait tout aussi bien pu être le jour... Le noir était partout, tel une enveloppe de velours sur chaque espace vide et sur chacune des surfaces qui erraient dans cette immensité sombre et glacée. Au milieu de ces étoiles se trouvait une forme... Plusieurs formes, pour être précis, mais seule celle-ci nous intéresse.
Une âme, en fait...
Sans doute êtes-vous perdu. Nous nous trouvons actuellement dans la dimension parallèle à notre univers, celle qui contient tous les esprits. Les esprits habitent le plus souvent autour du lieu autour duquel ils ont vécu, c'est pour cela que l'on en trouve très peu dans l'espace même. Chacune des formes autour de cette âme étaient d'autres âmes, peut-être des commandants de vaisseaux perdus corps et biens ou un âme voyageuse qui avait quitté son lieu préféré...
Cette âme-ci est noire, très sombre... Elle semblait absorber la lumière plutôt que de la refléter...
Mais approchons nous encore... Elle n'a pas de forme, toujours changeante, elle pulse, comme la vie qui l'habitait avant... Une sorte de poche de liquide qui erre en apesanteur. D'autres âmes croisent à côté, plus claires, certaines brillent de mille feux. Mais à la proximité de celle-ci, elle s'écartent rapidement...
Encore plus près...
"Raaaahh ! Qui me dérange ! Encore un de ces damnés chamans qui requiert mes pouvoirs... Voyons... Ici."
La forme se déplaça à une vitesse incroyable vers la planète la plus proche. L'âme passa à travers la couche nuageuse d'une planète essentiellement continentale, et vit des paysage qui aurait pu être peints par les plus grands artistes de la galaxie. Elle vit des terres, des montagnes couvertes de neige scintillante, des forêts verdoyantes, des troupeaux paissant paisiblement, et un feu près duquel on pouvait voir un homme gesticuler devant sa tribu. Il s'approcha alors qu'il sentait des liens invisibles fermer le chemin qu'il avait emprunté. Il entendit alors la psalmodie de l'homme. Elle n'avait aucun sens pour les hommes et les femmes assis devant le feu, mais pour lui ces paroles avaient un sens qu'il avait oublié depuis longtemps... Tant de siècles... Une langue plus vieille même que ce monde.
"Moi Hargoth, Chaman de la tribu des Os Brisés, conjure Kingu, Général des Légions Démoniaques, de nous aider dans notre guerre contre les Lances Enflammées."
Un pacte donc...
Kingu recula un peu et se heurta aux liens qui le maintenaient à la surface de la planète, à quelques mètres au-dessus du sol.
Ce chaman a donc de vrais pouvoirs... Voyons ce qui se passe ici...
Le village était en grande partie détruit, brûlé et peu de huttes tenaient encore debout. On voyait un peu plus loin une fosse commune emplie de cadavres encore fumant du brasier funéraire qui s'était tenu là. Quelques âmes erraient, telles de petits feu follets argentés. Les morts récents, apparemment. À quelques kilomètres, il voyait un autre campement. Il projeta sa conscience là-bas, puisque son âme était bloquée au-dessus du feu. L'ambiance y était plus festive, sans aucun doute. Les hommes dansaient autour du feu. Quelque blessés se reposaient derrière.
Kingu ramena sa conscience autour de lui. Que pouvait lui apporter cet homme... Cela faisait tellement longtemps qu'on ne l'avait plus invoqué... Il s'approcha du chaman et sentit là aussi des liens qui l'empêchaient de venir plus près, le maintenaient hors de contact.
Sage précaution...
Le feu lui donnait de la force, telle une énergie vibrante qui l'emplissait jusqu'au plus profond de lui-même. Il se laissa donc guider par le chaman et écouta le pacte en suivant le rituel plusieurs fois millénaire.
Le chaman répéta deux fois encore sa demande de sa voix gutturale qui résonnait dans la nuit, alors que les flammes s'élevaient plus haut que jamais. Kingu se lia au feu et parla par sa bouche devant la tribu bouche bée :
"Moi, Kingu, Général des Légions Démoniaques, t'écoute, Hargoth, Chaman de la Tribu des Os Brisés.
- Je te demande d'investir chacun de nos hommes de ta force, et de me donner ton pouvoir pour vaincre nos ennemis !
- Et en contrepartie... ?
- Je ne te briserai point."
Quoi ? Ce misérable humain ? Me briser ? Alors que toute son existence est à peine un grain de sable devant la longueur de la mienne ! C'est sans connaître mes pouvoirs et l'étendue de ma connaissance !
Le chaman avait dû trouver le nom du démon dans un vieux grimoire, tels ceux qui se passent de chaman en apprenti depuis des dizaines de générations, et n'avait pas connaissance de la puissance de celui qu'il avait invoqué, bien que Hargoth ne soit pas un débutant, loin de là.
Tant pis pour toi...
"Moi, Kingu, Général des Légions Démoniaques, accepte le pacte tel qu'il est..."
Avec un rugissement de victoire, Hargoth se retourna vers sa tribu. Fatale erreur... La défense magique entourant Kingu s'affaiblit ainsi et il bondit en avant, arracha l'âme du chaman et s'en nourrit, tandis qu'il investissait le corps, le distordant de son énergie impie pour en former une figure démoniaque, debout devant la tribu qui paraissait plus effrayée que quelques secondes auparavant...
Chapitre II : Une nouvelle aube.
"Raaaaaaaah... Quelle soulagement. Enfin un corps... Et toutes ces vies inutiles..."
Kingu invoqua son épée maléfique du néant, une lame acérée et tranchante, noire comme la nuit et qui pourtant semblait briller d'un feu intérieur. Il s'avança au milieu de la tribu qui ne savait pas si elle devait se réjouir ou pas de la transformation de leur chaman en cette bête bizarre capable d'une magie qu'ils n'avaient jamais vue.
Leur cris résonnèrent longtemps dans la nuit...
Au matin, Kingu avait fini son incarnation en se baignant dans le sang de ses victimes nocturnes. Il était devenu un puissant Prince Démon, de près de quatre mètres de haut, des ailes noires comme la nuit, deux sabots qui faisaient fumer la terre là où il se déplaçait, deux cornes entourant sa tête...
Une superbe incarnation !
À présent, il avait un monde à conquérir. Il n'avait pas passé des siècles à attendre un invocation pour attendre gentiment la rosée du matin !
Il traça au sol de la pointe de sa griffe des cercles cabalistiques. Il restait encore beaucoup d'énergie en ce lieu, les âmes étaient encore fraîches. Un cercle cabalistique primaire, un secondaire avec les runes de convocation. Depuis tant d'années il avait attendu ce moment ! Au fur et à mesure qu'il traçait les lignes étranges qui tournaient sur le sol, elle semblaient s'allumer et émettaient une lumière sourde dans la semi-pénombre de l'aube naissante.
Des spirales d'énergie pure tournèrent autour du cercle alors que le Prince démon invoquait une demi-douzaine de démons mineurs pour l'assister. Toujours le même rituel, les même runes, les même gestes. Alors que sa voix d'outre-tombe résonnait dans la forêt, tous les oiseaux s'envolaient, effrayés par ce que la nuit avait enfanté.
Quelques minutes plus tard, des créatures ressemblant à des chiens plus gros qu'un homme, bardées de pointes, de crocs et de griffes, marchaient à ses côtés vers le village avoisinant, alors que la forêt noircissait, que le sol se fissurait et s'asséchait autour du cercle, comme si la vie de ces lieux fuyait les alentours de l'invocation.
Quelques heures plus tard, le village des Lances Enflammées brûlait d'un feu vert et bleu, et de nouveaux démons, semblables à des gargouilles, dépliaient leurs ailes noires et prenaient leur envol vers les cieux troublés par un orage d'une rare violence. Mais la pluie ne tombait pas...
Quelques jours plus tard, la moitié de la planète était déjà sous le contrôle du Prince Démon, et un portail démoniaque mineur était ouvert et un flot quasi-continu de démons de toutes sortes envahissait des plaines noircies et dépourvues de vie sur plusieurs lieues. Ils se repaissaient de toute vie qu'ils trouvaient, et capturaient les âmes pour les ramener vers le portail.
Une semaine et demie passèrent et toute vie avait disparu de la planète. Un grand temple hébergeait à présent un portail majeur vers la dimension des esprits et des démons de plus en plus grands faisaient trembler le sol de leur pas lourd et menaçant.
"Encore une planète ! Si facile de contenter les dieux noirs !"
Kingu contemplait le noir paysage qui s'offrait à lui, les masses de démons qui extrayaient les ressources de la planète, la forçant à donner tout ce qu'elle possédait, jusqu'à ce qu'elle soit un vulgaire caillou stérile flottant dans l'espace intersidéral.
Certains creusaient le sol pour en extraire les minerais et les cristaux qu'ils entreposaient dans des conteneurs métalliques qui se dressaient vers le ciel, telles les griffes de quelque immonde créature jaillissant hors du sol, et d'autres extrayaient de l'eau toute son énergie, jusqu'à ce qu'elle soit une gigantesque mare noire, immobile, pâteuse et mortelle.
L'énergie était acheminée par des démons qui la contenaient en de gigantesques boules de foudre qui faisaient comme un écho au ciel qui hurlait la colère des dieux sans discontinuer. Ces boules étaient stockées dans un espace entre de grands pylônes parcourus par des énergies colossales qui liaient les boules entre elles comme des bulles de savon, et la sphère résultante rayonnait d'une énergie telle qu'on pouvait la voir à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde.
Tous se passait bien jusqu'à ce que Kingu remarque une traînée flamboyante qui n'était pas son œuvre dans le ciel noir...
Chapitre III : Un présent tombé du ciel ?
Kingu déplia ses longues ailes noires, masquant une grande partie du ciel alors qu'il prenait son envol vers le point d'atterrissage de ce qui semblait être un vaisseau spatial. Il s'était posé dans une plaine derrière quelque collines, et il ne lui faudrait pas longtemps pour y arriver.
"Qui donc pourrait venir ici ? Raaaah, qu'importe, leur cadavres orneront l'autel des dieux noirs d'ici peu... Tout de même curieux, il n'y a rien pour eux ici. Sauf la mort..."
En s'approchant, il fut surpris d'entendre le vacarme d'un combat de grande envergure. En quelques battements d'ailes, il passa la crête de la colline et contempla le spectacle de destruction qui s'offrait à lui en se posant.
Un vaisseau de grande taille s'était posé à proximité d'un des généraux de l'infanterie démoniaque et avait libéré par son sas principal des centaines de méca-armures sur-armées dans la plaine.
Les méca-armures sont des sortes de squelettes assistés par des servomoteurs, et le pilote prend place à l'intérieur de l'armure, protégé de l'extérieur, avec à sa disposition tous les armements et systèmes de déplacement, contrôle, visualisation, etc. Une méca-armure comme celle-ci mesure au bas mot deux mètres cinquante, et celles équipées d'armes lourdes avoisinaient les trois mètres et demi.
Le général démoniaque faucha rapidement plusieurs dizaines d'ennemis de sa hache, tranchant facilement ces ennemis qui lui arrivaient à peine à la moitié du corps, et hurlait sa soif de ce sang qui souillait déjà la plaine, mais il finit par succomber face au déluge de tirs auquel il faisait face, se désintégrant en une explosion rougeoyante.
Les tirs de lasers fusaient maintenant en tout sens, pulvérisant les démons qu'ils touchaient, alors que les guerriers démoniaques qui arrivaient au corps-à-corps éraflaient à peine les armures de haute technologies en nano-matériaux composites. Seule une armée très puissante pouvait envoyer un tel bataillon sur une planète esseulée, on trouvait d'habitude ces soldats sur les grands fronts de guerre.
"Étrange... mais il est temps de passer à l'action !"
Kingu poussa alors un hurlement qui fit s'arrêter net le combat. Les méca-armures s'organisèrent immédiatement en formation et avancèrent d'un seul homme vers lui. C'était sans compter l'infanterie lourde du démon, dotée de boucliers vibrant d'une énergie démoniaque à peine contenue, et qui surgit derrière la colline telle une marée sombre de désespoir.
Avec un autre hurlement à glacer le sang, ils chargèrent les méca-armures qui se positionnèrent rapidement en formation défensive, prouvant une fois de plus leur maîtrise des arts du combat, alors que les tirs de laser étaient absorbés par les puissants boucliers démoniaques.
La bataille semblait tourner à leur avantage, les lames démoniaques forgées dans une autre dimension tranchant sans peine à travers les revêtement nano-technologiques, et exposant les cadavres des pilotes qui ne pouvaient se défendre. L'odeur de la peur se fit plus forte alors que Kingu se tournait vers le dernier noyau d'ennemis.
Alors que les démons mineurs criaient leur soif de sang, un grondement sourd retentit : les canons à plasma du vaisseau entraient en action, puisque plus aucune méca-armure ne tenait debout.
La boule de plasma s'approcha des lignes démoniaques, telle un joyau d'un blanc pur en lévitation, et l'impact projeta à terre les démons sur plusieurs mètres, en carbonisant plusieurs dizaines d'autres dans la masse d'énergie pure. Le pilonnage continua pendant plusieurs minutes, alors que les forces démoniaques s'éparpillaient face à cette arme contre laquelle aucune protection n'était efficace.
Kingu se tenait au milieu du vacarme, alors que mort et destruction l'entouraient, et l'instant du doute fut rapidement suivi par la soif de sang.
"Les Dieux Sombres ne connaissent pas la défaite !"
S'ensuivit un cri encore plus terrifiant que les autres, et alors que rien ne semblait se passer, la mort tomba du ciel. Des dizaines de démons ailés fondirent sur le vaisseau et commencèrent à le mettre en pièce avec leur griffes acérées. Les batteries de canons furent rapidement réduites au silence face à un ennemi qui se trouvait déjà à distance de corps-à-corps, et l'infanterie put reprendre possession du no man's land de plusieurs centaines de mètres qui entourait le vaisseau.
L'équipage tenta de vendre chèrement sa vie, mais à présent Kingu invoquait de nouveaux démons à partir des âmes déchues dans la bataille, et le pont principal fut rapidement submergé.
Le vaisseau fut nettoyé en quelques heures et le silence tomba telle une chape de plomb, alors que Kingu montait à bord de l'astronef. Dans le silence de tombeau qui s'ensuivit, Kingu entra dans le hall principal et se dirigea vers le poste de pilotage, qui, heureusement pour lui, était assez grand pour l'accueillir.
Sur le tableau de bord, une lumière rouge clignotait furieusement...